Deux ans après son exploration de la forêt Amazonienne dans The Lost City of Z, James Gray part cette fois-ci dans l’espace, pour son projet le plus ambitieux, et coûteux puisque le budget s’élève à plus de 80 millions de dollars. Il s’accompagne cette fois de Brad Pitt, que l’on retrouve à peine un mois après sa performance géniale dans Once Upon a Time in Hollywood.
Il incarne ici le Major Roy McBride, chargé de mettre un terme à un phénomène de surcharges électriques menaçant la Terre, et semblant provenir de Neptune, où son père disparu depuis 16 ans était parti en expédition.
Le lien avec son précédent film, The Lost City of Z (déjà produit par Brad Pitt), s’opère presque en miroir, avec la recherche d’une ancienne cité perdue aux confins de l’Amazonie, et ici, d’une forme de vie extraterrestre aux confins du système solaire. Sauf qu’on avait dans le premier le point de vue du père, et maintenant, du fils. Cette structure est également similaire à Apocalypse Now (Gray est très influencé par Coppola), avec un personnage s’aventurant dans un milieu hostile pour y trouver quelque chose, ou quelqu’un… Le père, incarné par Tommy Lee Jones pouvant représenter le Colonel Kurtz de Marlon Brando.
Bien que le budget du film et son marketing semble le désigner comme étant un blockbuster bourré de scènes d’action, ce n’est pas du tout le cas. Ad Astra (signifiant « vers les étoiles ») est bel et bien un film d’auteur, s’inscrivant parfaitement dans la filmographie de James Gray. Le cinéaste explore à nouveau des tourments familiaux (que traversent les personnages de chacun de ses films), cette fois en changeant de contexte, pour partir à la lisière de la galaxie, et y trouver des réponses sur soi-même, mais aussi sur l’existence de l’humanité.

En effet, si l’on prend part à une expédition spatiale, on est surtout amené à voyager à travers la psyché de Roy McBride, de façon très intimiste. Dès les premières minutes du film, il fait état de sa maîtrise de soi et d’un sang froid stupéfiant en affrontant des explosions et une chute du haut d’une station spatiale. Roy est un quelqu’un de taciturne, contenant ses émotions pour « se concentrer sur l’essentiel« , et avec un rythme cardiaque qu’il maintient en toute situation à 80 battements par minute, il est ainsi un des astronautes les plus fiables qu’il soit. Cependant, si cette auto-interdiction de ressentir quoi que ce soit est un atout dans son travail, c’est aussi un poids dans sa vie personnelle.
Mais la réapparition de son père, qu’il croyait mort, va bousculer ce contrôle qu’il exerce sur ses émotions. C’est d’ailleurs brillamment interprété par Brad Pitt, qui livre une prestation terriblement juste et bouleversante. Il semble arriver lui aussi à contrôler le moindre muscle sur son visage pour ne rien laisser paraître, ou au contraire laisser petit à petit éclater ses émotions. Sans rien dévoiler, je peux juste dire à titre personnel, que dans une séquence de dialogue du dernier acte, il livre peut-être un des meilleurs moments d’acting de l’année.
Une odyssée spatiale certes, mais mentale avant tout. Roy parle peu, mais pense beaucoup, et l’on est plongés constamment dans ses réflexions, à travers une voix-off ramenant au cinéma de Terrence Malick. L’enjeu pour Roy, au delà du sort de l’Humanité et de savoir si les Aliens existent, c’est surtout de retrouver son père, ou d’en faire le deuil, afin de se libérer du poids écrasant de son héritage, et de cette solitude dans laquelle il s’est enfermé depuis toutes ces années.

La mise en scène de James Gray est très sobre, prenant le soin de sublimer le parcours émotionnel de son personnage, en restant très près de lui. Le cinéaste n’oublie pas de nous servir des séquences d’action de toute beauté, tout en les mettant au service de son histoire à travers la réalisation. Par exemple, la course-poursuite aux airs de Mad Max : Fury Road sur la Lune, est non seulement très originale, mais elle est aussi filmée de manière très particulière.
On est sur le point de vue de Roy, qui va très froidement garder son calme, puis agir pour se sortir de cette situation, et la mise en scène arrive à nous faire ressentir ce détachement qu’éprouve le protagoniste. On est immergés dans l’action, mais tout en gardant un regard extérieur. Un sentiment assez étrange, mais qui colle parfaitement à la psychologie du personnage, qui dira lui-même « I see myself from the outside« . Cette impression traverse presque toutes les séquences d’action, brillamment filmées et éclairées par Hoyte Van Hoytema, qui avait travaillé sur Interstellar et Dunkerque de Christopher Nolan, rendant une image d’une beauté renversante.
Ad Astra est un film qui ne manquera pas d’offrir de grands moments de cinéma à travers des séquences originales et impressionnantes, mais privilégiant l’humain et l’introspection devant tout sensationnalisme. C’est un voyage intérieur auquel s’adonne Roy, incarné par un Brad Pitt bouleversant, qui viendra chercher « vers les étoiles », ce qui lui permettra d’aller vers les autres. James Gray signe ici un des meilleurs films de l’année, tout simplement.
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