Après plusieurs mois d’attente, nous retrouvons les braqueurs les plus populaires du moment. La seconde partie concluait bien l’histoire du braquage de la Maison de la Monnaie, ainsi que les différents arcs de personnages, mais Netflix ayant décidé de ne pas en rester là face à l’engouement du public, a délivré une partie 3 qui a su se renouveler et proposer des enjeux politiques intéressants, alors que tout semblait indiquer que ce serait la saison de trop. Nous revoilà au sein du casse de la Banque d’Espagne, où l’on retrouve l’équipe dans une posture compliquée. Que vaut donc cette quatrième partie ?
On va dès à présent se pencher dessus, en détails, ce qui veut dire que les spoilers seront de mise, donc si vous n’avez toujours pas terminé de « binge-watcher » la saison, passez votre chemin pour l’instant et revenez plus tard !
Malheureusement, le bilan est bien plus mitigé que sur les trois premières parties. On va d’abord commencer par le positif, puis décortiquer ce qui ne va pas.Comme pour les précédentes saisons, l’intrigue reste plutôt bien rythmée, la réalisation est soignée et dynamique, les comédiens sont très bons et leurs personnages attachants. Tout se suit sans véritable déplaisir bien au contraire, et le propos politique (bien que moins présent qu’en saison 3) est assez intéressant, avec ce jeu de manipulations médiatiques, montrant que l’image est parfois plus importante que les actes eux-mêmes.
Cependant, le déroulement de l’intrigue présente quand même de nombreux problèmes, plus ou moins conséquents, nuisant à la crédibilité de l’histoire. ATTENTION SPOILERS !

Tout d’abord, l’opération de Nairobi. Certes, les braqueurs sont équipés, ils se sont entraînés des mois pour gérer des opérations, et un chirurgien les guide avec précision (jusqu’à la coupure de la communication…), sauf que là, il ne s’agit pas seulement de retirer une balle jonchée dans le corps de leur amie, il faut aussi lui retirer un morceau de poumon (!!), et toute fausse manœuvre pourrait lui coûter la vie. Un véritable chirurgien pourrait probablement attester de leur véritable capacité à réussir une opération aussi délicate, mais cela semble quand même peu crédible.
Surtout que si le but était de la sauver à ce moment-là, pour que sa mort brutale dans l’épisode 6 soit davantage dramatique, il n’y avait pas besoin de complexifier plus que ça cette blessure, la balle logée près d’une artère et des complications respiratoires pendant l’opération auraient suffi sans nuire à la crédibilité.
A propos de sa mort, pendant tout le long de l’épisode, nous pouvions assister à des flashbacks montrant l’envie de Nairobi d’avoir un enfant et une promesse de FIV après le braquage, rendant son décès encore plus tragique. C’est une plus-value dramatique certes, mais cette information sortant de nulle part juste avant sa mort n’est pas vraiment subtile, il aurait mieux valu introduire ceci au cours de la saison 3. Le résultat est plus dramatique certes, mais aussi plus artificiel. Nairobi était de toute manière un personnage très apprécié du public, et qui avait des liens très forts avec ses camarades. Sa mort était déjà triste sur le papier, pas besoin de recourir à une astuce scénaristique sortie d’un chapeau pour appuyer l’émotion.
Ces flashbacks posent d’autres problèmes au cours de la saison, tantôt grossièrement écrits, ou complètement inutiles, servant simplement de remplissage pour étirer l’intrigue. Quelques exemples :
- On savait que Palerme était imprévisible et narcissique, mais le fait qu’il libère Gandia, qu’il savait être un ancien assassin des forces spéciales, n’allait de toute évidence pas seulement poser des problèmes à ses collègues, mais risquer que tout le plan s’écroule s’il parvenait à en tuer au moins une partie d’entre eux. Pourtant Palerme veut seulement récupérer le contrôle du plan, pas le saboter complètement, ce qui rend ses actions contradictoires avec ses motivations. Et là, en toute subtilité encore une fois, on nous sert un flashback entre le Professeur et Berlin qui nous explique littéralement la psychologie de Palerme (au cas où on avait pas compris) : « C’est un égocentrique incontrôlable. Il est obsédé par le pouvoir. » dit le Professeur. Palerme prend ensuite part à la discussion ajoutant qu’il ne trahira jamais le plan. Ce qui contredit encore une fois ses actions. Se retourner contre eux pour reprendre le pouvoir est une chose, mais risquer de tous les faire tuer, et le plan avec, en est une autre.
- Au cours de la saison on apprend qu’une des otages, Julia, fait en réalité partie de la bande, et est une amie d’enfance de Denver, qui a récemment changé de sexe. Ce qui en fait un personnage LGBTQ de plus, et pourquoi pas, la représentation plutôt bénéfique sur le papier. Sauf que les scénaristes ont décidé d’aller plus loin. Déjà, on avait pas besoin d’en savoir plus sur Julia, que les infos énumérées plus haut. C’est un personnage très (très) secondaire donc nul besoin de lui attribuer une véritable personnalité, et encore moins de lui donner un background. Mais voilà, la carte du progressisme ayant été tirée, on a eu droit à un (long) flashback de Julia qui raconte à Denver comment c’était d’être une femme dans le corps d’un homme, menant donc à son changement de sexe. Sauf que cette séquence est d’une inutilité abyssale, en quoi savoir cela sert-il à quelque chose dans le cadre du braquage de la Banque d’Espagne ? A rien. Tout simplement. Du développement de personnage certes, mais qui n’a aucun intérêt narratif si ce n’est de remplir des épisodes et étirer l’intrigue.
- Au début du dernier épisode, un flashback intervient à nouveau, cette fois entre Berlin et Palerme, caractérisant davantage la tension sexuelle entre les deux hommes. Palerme est amoureux de Berlin, mais celui-ci, désormais marié et voué à mourir bientôt refuse de céder aux avances de son ami, et lui délivre un dernier baiser passionné. Si cette scène est plutôt émouvante, elle est, à l’instar d’autres flashbacks cette saison, complètement inutile. Berlin étant mort depuis longtemps, cette séquence ne peut donc servir à développer la relation entre les deux amis durant ce braquage. Que Palerme se retrouve à penser à Berlin d’accord, mais on connaissait déjà ses sentiments. Cette scène est donc une sorte de bonus, du fan-service pour ceux qui voulaient les voir s’aimer, mais dans le cadre du braquage de la Banque d’Espagne, cette information ne sert absolument à rien.

D’autres problèmes d’écriture sont à noter, entres incohérences et différentes facilités. Quelques exemples :
- Sierra qui met plusieurs jours à comprendre que son collègue Antoñanzas est bien celui qui fournit des informations au Professeur et qui a fait passer des messages à Lisbonne. C’était pourtant évident, que le Professeur sache qu’elle était détenu dans la tente du centre des opérations était déjà un signe qu’une source interne l’avait renseigné, puis le fait que Lisbonne décide au dernier moment de refuser le marché que lui proposait Sierra alors qu’elle était en train de craquer, comme par hasard juste après qu’Antoñanzas lui ait apporté un café. C’est le seul à avoir eu un quelconque contact avec elle, et comme par hasard à des moments cruciaux. Il est également étrange que personne n’ait remarqué qu’il s’absente pendant plusieurs minutes loin du camp, à chaque fois qu’une décision importante ait été prise par la police. Sierra est manifestement très intelligente et arrive à tenir tête au Professeur mais ces détails pourtant peu discrets et suspects lui ont échappé. La raison est très simple, c’était plus pratique pour les scénaristes de faire en sorte qu’elle découvre le pot-aux-roses et la cachette du Professeur plus tard, pour nous laisser avec un « cliffhanger » de fin de saison.
- Concernant l’évasion de Lisbonne, orchestrée par le Professeur et Marseille, là aussi c’est un peu facile. Le plan est évidemment brillamment conçu et exécuté, mais sans ce restaurant chinois désaffecté, dans lequel ils ont pu se cacher et creuser, il aurait fallu trouver une autre solution. C’est donc une bien belle coïncidence de trouver ce restaurant abandonné pile entre l’Audience Nationale et son parking. Quelle chance !
- La plus grosse incohérence à mon sens reste la présence de Sierra en tant que négociatrice sur cette affaire, et ce, depuis la partie 3. Il est difficile d’imaginer qu’une femme avec une grossesse aussi avancée puisse travailler sur une affaire aussi complexe, aussi médiatisée, et qu’elle soit présente sur le front des jours durant. Les risques sont énormes, si elle perd son bébé à cause du stress, ou commet une erreur, ça retombe directement sur la police, qui n’avait en principe pas à la faire travailler dans son état. Surtout que pour l’instant, le fait qu’elle soit enceinte ne sert à rien, si ce n’est à souligner le contraste avec sa personnalité froide et cruelle, mais ça, pas besoin d’une grossesse pour le caractériser. Deux possibilités : soit ce détail ne servira vraiment à rien, soit elle perdra les eaux à un moment qui avantage les braqueurs. Ce qui est fort possible, vu la fin de la saison, mais ce serait encore une facilité scénaristique.
Les problèmes d’écriture s’accumulent et ne s’arrêtent pas là puisque l’on peut remarquer que les scénaristes s’appuient sur un flash-forward à deux reprises (épisodes 5 et 7) pour créer du suspense, en présentant une situation future sans le contexte, et revenant ensuite sur ce qu’il s’est passé avant. Ce procédé peut être intéressant, surtout quand il est utilisé en début de saison, et que tout le déroulement de celle-ci amène minutieusement à ce fameux moment. Sauf qu’ici, il est utilisé au sein d’un épisode, pourquoi pas, mais dans 2 épisodes différents quasiment à la suite, avec des scènes pas particulièrement importantes sur la globalité, et qui auraient très bien pu fonctionner avec un déroulement linéaire. C’est quand même un peu inquiétant si les scénaristes ont recours plusieurs fois (et de cette manière) à ce procédé narratif pour créer du suspense…
Enfin, en ce qui concerne la mise en scène, elle est certes dynamique et efficace, mais elle reste très peu inspirée. Seuls 2 plans sur toute la saison, soit quasiment 8 heures, témoignent d’une vraie recherche artistique dans leur composition. Dommage.
Si le tout reste divertissant et se regarde sans déplaisir, c’est davantage dû aux personnages, toujours aussi attachants, et aux nombreux rebondissements qui rythment l’intrigue. D’un point de vue cinématographique, c’est quand même assez laborieux déjà avec une écriture très moyenne et des visuels peu inspirés.
Que retiendra-t-on de cette partie 4 ? Des moments comme la mort de Nairobi, ou l’évasion de Lisbonne ? Probablement, mais rien ne sera retenu pour des critères purement cinématographiques. Même les scènes d’action, comme la fusillade des braqueurs contre Gandia est finalement peu marquante, aucune créativité que ce soit dans les plans ou la chorégraphie, et rien non plus de particulièrement intéressant dans le travail sonore.
Il serait temps que le public se réveille et cesse de qualifier comme « meilleure série », un programme dont la réussite principale est de stimuler votre temps de concentration avec des rebondissements en série. D’autres oeuvres plus enrichissantes existent.