Il y a environ un mois, la première partie de la saison finale de Shingeki no Kyojin s’achevait, laissant les fans en haleine, avant la seconde partie, prévue pour l’instant à l’hiver 2022.
Pour les moins assidus à la diffusion hebdomadaire, assurez-vous d’avoir tout rattrapé, puisque cet article contiendra des spoilers sur cette première salve d’épisodes.
Ce début de saison avait de quoi déconcerter. 4 années ont passé et l’on se retrouve au beau milieu d’un champ de bataille, épousant le point de vue de nouveaux personnages. Peu à peu, quelques visages familiers (certes un peu plus âgés) apparaissent : on reconnaît notamment Reiner, seul rescapé des infiltrés au sein des murs (Annie est toujours prisonnière), et Sieg, demi-frère d’Eren, et porteur de l’affreux Titan Bestial. On comprend alors que l’on est plongés du côté de Mahr, le camp adverse, promettant un éclairage intéressant sur leurs motivations.
On s’aperçoit rapidement du parallèle avec la montée du nazisme et le génocide juif, quand on voit l’idéologie du gouvernement Mahr, et le traitement du peuple Eldien. Si ces derniers ne sont pas massacrés comme ont pu l’être les juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale, ils sont clairement ostracisés, obligés de porter un brassard pour les identifier (rappelant l’étoile de David sur les vêtements à l’époque), et considérés comme des êtres impurs, bons à envoyer au casse-pipe, et à perpétuer cette malédiction Titanesque.

Parmi les jeunes recrues Eldiennes, envisagées comme futurs porteurs de Titans Primordiaux, on retrouve notamment Gaby, qui s’érige comme un des personnages les plus intéressants de cette saison 4. Difficile de l’apprécier, tant elle peut agacer par ses propos extrêmes, ou ses actes… mais difficile aussi de ne pas la comprendre, au vu de l’éducation qu’elle a reçu. C’est un point assez paradoxal, puisque le peuple Eldien au sein de Mahr est marginalisé, parfois humilié, considéré comme de la chair à canon, mais ils montrent une dévotion impressionnante à servir Mahr, et à prouver qu’ils sont de « bons Eldiens ».
Toute leur éducation est également centrée autour d’un faux récit historique, une propagande anti Eldiens, et plus particulièrement ceux vivant sur l’île du Paradis (Eren et Cie), dont les ancêtres auraient commis d’innombrables atrocités envers Mahr et le reste du monde. Une idéologie axée sur la haine et la vengeance, afin d’exterminer ces « démons insulaires ».
Gaby est donc le pur produit d’une immonde propagande, visant à haïr aveuglément toute une population (dont elle partage des origines), et d’assouvir une vieille vengeance. Le problème, c’est le manque de recul, et de point de vue extérieur. N’ayant jamais rencontré ces « démons », son opinion ne risquait pas de changer, et encore moins avec l’assaut meurtrier d’Eren et du Bataillon sur Revelio. Gaby est en quelque sorte un miroir du jeune Eren, qui au début de la série observait, impuissant, le massacre de son peuple par l’attaque des Titans au sein des murs.

Un autre personnage s’est particulièrement distingué dans ces épisodes : Reiner Braun. Revenu seul de l’opération sur Paradis, il se retrouve de nouveau au sein du peuple Mahr, après avoir passé de longues années infiltré sur l’île. Si Reiner reste indéniablement fidèle à son camp, son expérience avec le Bataillon d’exploration lui a fait réaliser que parmi ces « démons » se trouvaient de bonnes personnes, et qu’il a malgré tout apprécié certains moments avec ses camarades. C’est là qu’il va prendre du recul sur ses actes, ayant causé d’innombrables morts innocentes au nom de la vengeance de Mahr. Son évolution est clairement une des plus intéressantes de la série, passant d’un traître infiltré et assassin, à un soldat dévoué à sa cause mais torturé par sa conscience.
Il atteindra un certain point de mal-être au point de tenter de se suicider, mais il ne semble pas pouvoir passer à l’acte, étant constamment rattrapé par son devoir. Dans un face à face mémorable avec Eren, tout le poids de sa culpabilité l’envahit, le poussant, genou à terre, à implorer son ancien camarade de mettre un terme à sa souffrance psychologique. Le moment qui résume peut-être parfaitement l’évolution de Reiner et son conflit intérieur, est sa transformation suite aux appels à l’aide de Gaby, dernier recours d’une situation désespérée.
Très affaibli, il rassemble ses forces pour se transformer et sauver Galliard d’une mort certaine. Cependant, ce qui frappe ce sont ses paroles, adressées à ses compagnons Mahr : « Pourquoi refusez-vous de me laisser mourir ? ». Il est comme prisonnier de cet endoctrinement, mais profondément marqué par le sang sur ses mains, et celui qu’il devra encore probablement verser.

Si l’on repasse du côté des insulaires, comment ne pas parler d’Eren ? Certes, c’est le personnage principal, donc on est forcément amenés à en discuter, mais là, il se trouve qu’il s’en est passé des choses pendant ces 4 ans depuis sa dernière apparition, et le bonhomme a bien changé. On le connaissait en tant que soldat tentant de protéger son peuple des Titans, maintenant, c’est un terroriste, qui a orchestré un attentat sur Revelio, et un coup d’état dans sa propre patrie, prenant le contrôle de forces armées au sein du Bataillon et du peuple.
Eren veut protéger la population derrière les murs. Depuis son enfance et la terrible attaque de Shiganshina durant laquelle il assiste, impuissant, à la mort atroce de sa mère dévorée par un Titan. D’autres pertes seront évidemment à compter au fil du temps, mais il n’est plus question de subir. A partir du moment où Eren prend conscience de la vérité derrière les attaques des Titans, l’existence de Mahr et la haine qu’ils leur portent, il prendra une décision. Alors que ses camarades réfléchissent encore à une option pacifique, par le dialogue, Eren comprend, avec une grande lucidité qu’il faut agir, les attaquer directement, ou bien subir un nouvel assaut qui pourrait encore causer de nombreuses morts innocentes. Tuer ou être tué.
Pour avoir peut-être une vie tranquille un jour, il va falloir se salir les mains. Un constat terriblement pessimiste, mais lucide de la part d’Eren, qui partira de son propre chef à Revelio, pour préparer son attaque. Cependant, il sait qu’il comptera certainement sur le soutien de ses camarades, qui ne peuvent pas se permettre de le laisser seul se faire tuer, et se retrouver ainsi démunis du pouvoir de l’Originel.
Cette opération, bien que particulièrement ciblée sur quelques individus, aura tout de même son lot de victimes collatérales, dont certaines causées par la transformation d’Armin en Colossal et son explosion dévastatrice. Les épisodes 5, 6, 7, et 8 consacrés à cette bataille sont particulièrement intenses. Eren fera notamment preuve d’une cruauté et d’une brutalité ahurissante, utilisant le Titan Mâchoire, après l’avoir démembré, comme casse-noisette pour briser le cocon du Marteau d’Armes et assimiler ses pouvoirs. Une scène jouissive, d’une grande violence, qui montre à quel point Eren est déterminé à détruire ses adversaires.

Reste que si le Bataillon a été forcé d’intervenir à ses côtés à Revelio, la suite est nettement moins réjouissante, malgré la victoire, et ce n’est pas la mort de Sasha qui allait arranger les choses. Sur Paradis, la tension est à son apogée, amenant à la division du peuple, avec une nouvelle faction, les « pros Jaeger », soutenant les actions d’Eren, mais aussi de Sieg, son mystérieux demi-frère. Celui-ci, dont les motivations restaient opaques jusqu’ici, se dévoile, avec un épisode entier consacré à son passé. Un épisode encore très bien écrit, avec quelques révélations édifiantes, notamment sur le plan que Sieg semble vouloir mener à bien, avec le soutien d’Eren.
Un plan « d’éradication douce » visant, avec le pouvoir de l’Originel, à modifier l’ADN des Eldiens, les rendant tous stériles, pour laisser le peuple mourir au fil du temps, et ainsi briser ce cycle de haine et de violence, attisé par l’existence même des Eldiens. Une solution effroyablement cynique, mais qui témoigne de la complexité du conflit. Reste à savoir si les deux frères s’en tiendront à ce plan où si l’un tentera de trahir l’autre.
Cette première partie de saison 4 aura redéfini les perspectives de l’oeuvre, brisant toute notion de manichéisme. L’époque où le conflit se résumait aux humains contre les Titans est révolue. Si ces monstres sont toujours et plus que jamais de la partie, ce sont bel et bien les hommes qui tirent les ficelles, d’un côté comme de l’autre. Il est également difficile de délimiter clairement les lignes de la morale.
Certes, les Mahr sont globalement plus à même d’être considérés comme les antagonistes, du fait de leur idéologie génocidaire, mais ce n’est pas aussi simple que ça. Certains, comme Reiner, ou le jeune Falco, prennent conscience de l’atrocité de leurs actes et questionnent leur mission. Il en va de même pour Eren et ses camarades. On serait évidemment plus tentés de les soutenir, comme depuis le début de l’histoire, mais ceux-ci commencent à avoir de plus en plus de sang sur les mains. Eren a changé lui aussi, à l’image de son regard, dont la fougue brûlante a laissé place à une certaine froideur. Sa trajectoire ressemble de plus en plus à celle de Walter White, de la série Breaking Bad, devenu anti-héros au fil du récit. Une influence probablement pas anodine quand on connaît l’admiration que porte Hajime Isayama pour la série de Vince Gilligan.

En plus d’une écriture plus intelligente que jamais, Shingeki no Kyojin affiche une qualité visuelle indéniable. Le changement de studio, après 3 premières saisons assurées avec brio par Wit, pour une nouvelle expérience avec Mappa, s’avère assez concluante. Quelques légers couacs à noter lors d’utilisation d’effets 3D sur les Titans, mais globalement, l’animation reste de très bonne facture, proposant une réalisation convaincante dans les scènes d’action, mais qui trouve ses coups d’éclats esthétiques dans les moments plus intimistes, à hauteur humaine. Le travail du studio Mappa sur les visages des personnages est sublime, bien supérieur à ce qui était fait auparavant.
Quelques correctifs seront probablement comme d’habitude effectués sur les épisodes pour la sortie blu-ray, mais le résultat global est formidable, surtout avec le peu de temps donné aux animateurs sur ces 16 épisodes. Si l’on compare avec la saison 1 de Jujutsu Kaisen, il y a fort à parier qu’avec davantage de temps accordé à Mappa pour la préparation de la dernière partie de la série, on risque d’être témoins d’une pyrotechnie assez impressionnante.
Le rythme de la saison peut paraître légèrement décousu par ces ruptures de tons, avec plusieurs épisodes purement narratifs, puis d’autres axés sur l’action, et enfin encore de la narration pure quasiment jusqu’à la fin. Cependant, quand l’écriture est aussi intéressante, difficile de bouder son plaisir, d’autant que la tension monte à chaque fois progressivement, et que ces passages permettent de développer au mieux les enjeux pour les personnages, rendant d’autant plus jouissifs les moments spectaculaires.
Pour les 16 premiers épisodes de cette saison finale, L’Attaque des Titans se renouvelle, à l’aide d’une écriture absolument brillante, et toujours bien servie par une superbe mise en scène, portée par les compositions épiques d’Hiroyuki Sawano et Kohta Yamamoto. La série confirme bel et bien sa place parmi les plus grandes oeuvres de ces dernières années, devenue un véritable phénomène culturel mondial. Le manga s’est achevé début avril au Japon, mais l’animé connaîtra sa fin avec ses derniers épisodes, prévus pour l’hiver 2022.
Disponible en intégralité sur Crunchyroll.