On y est. Le 9ème film tant attendu de Quentin Tarantino est enfin disponible dans les salles Françaises. Pour ce qui est probablement son avant-dernier film (selon ses dires), QT est revenu chercher dans ses souvenirs d’enfant, les images d’une époque qu’il affectionne particulièrement.
On se retrouve donc en 1969 où l’on suivra Rick Dalton (Leo DiCaprio), un acteur de télévision sur la pente descendante, Cliff Booth (Brad Pitt), son cascadeur attitré et ami, ainsi que la tristement célèbre Sharon Tate, incarnée par Margot Robbie. Pour rappel, Sharon Tate était une jeune actrice, mariée au réalisateur Roman Polanski, et fût sauvagement assassinée le 9 août 1969 alors qu’elle était enceinte de 8 mois, par des membres de la secte de Charles Manson.
La particularité ici est donc de mêler des éléments et personnages fictifs, à des faits réels, comme le cinéaste l’avait déjà fait dans Inglourious Basterds.

C’est de toute évidence le film le plus personnel de Tarantino, et on comprend vite pourquoi : c’est à la fois une chronique sur la transition d’une époque cinématographique, que l’on vit à travers les personnages de Rick et Cliff, n’arrivant plus à s’imposer dans cette industrie qui est en train de les faire disparaître progressivement, mais c’est également un vibrant hommage au cinéma que QT aime profondément. Tout transpire l’amour du Septième Art et de cette époque libertaire à Los Angeles.
Le travail de reconstitution de la Cité des Anges est d’ailleurs phénoménal, que ce soit les rues, les différentes enseignes, les décors des plateaux de tournage, tout est crédible, palpable, et l’on peut ainsi s’imprégner de l’ambiance aisément pour être totalement transporté en 1969. Les séquences, sans dialogues, où l’on suit simplement Brad Pitt conduisant à travers la ville, sont véritablement hypnotisantes et renforcent l’immersion dans cette ambiance si spéciale, et le fantasme qui l’entoure.
Pour ce qui est du casting, on regrette peut-être de trop brèves apparitions pour Al Pacino, Kurt Russell, Michael Madsen, ou encore Dakota Fanning, mais qu’importe, l’histoire ne se concentre pas sur eux. Leonardo DiCaprio et Brad Pitt sont terriblement géniaux, il est franchement difficile de les départager tant ils ont chacun de grands moments. Leur duo fonctionne du tonnerre et sont tous deux très attachants. La volonté de Rick Dalton de continuer à exister dans l’industrie est très émouvante, il se bat, au sens propre comme au figuré pour montrer qu’il ne disparaîtra pas si facilement, et rêve encore d’une future grande carrière au cinéma.
D’ailleurs, toujours plus loin dans son délire de reconstitution, Tarantino et ses équipes ont carrément tourné (et monté dans le style de l’époque) plusieurs séquences des épisodes et films dans lesquels Rick Dalton joue. Ils paraît même qu’ils auraient réalisé un épisode entier de Bounty Law, la série qui a fait le succès du protagoniste. Le résultat est vraiment bluffant mais aussi très drôle tant le style est particulier.
Pour en revenir au casting, comment ne pas parler de Margot Robbie ? Elle incarne une Sharon Tate absolument rayonnante. Chaque regard, chaque sourire irradie l’écran de sa joie de vivre. Ce qui donne le sourire en la voyant est paradoxalement bouleversant, connaissant son funeste destin il y a 50 ans. Toute la séquence où Margot Robbie jouant Sharon Tate, dans une salle de cinéma en train de regarder la vraie Sharon Tate est très touchante, avec sa joie de voir le public rire aux éclats.

La jeune femme représente vraiment une innocence perdue, qu’il faudrait protéger à tout prix comme une héroïne de conte de fées. C’est une des raisons pour lesquelles le nouveau long-métrage de Quentin Tarantino est profondément mélancolique. Un sentiment qui se ressent aussi dans cette réflexion sur un pan du cinéma en train de disparaître et plus généralement sur une époque révolue.
Cependant, si cette mélancolie est tout à fait bienvenue dans son cinéma, QT arrive quand même à nous servir les dialogues hilarants dont il a le secret, une dose plus mesurée que d’habitude mais pas moins jouissive de violence, et un mélange des genres toujours aussi savoureux. Il alterne entre comédie, drame, western (avec toujours ces plans à la Sergio Leone), et des moments de tension très efficaces. Un exercice qui convient parfaitement au réalisateur, qui lui permet de varier sa mise en scène, en prenant un pur plaisir de cinéphile à rendre hommage au cinéma et à cette époque chers à son cœur.
En montrant les coulisses du travail d’acteur sur un tournage, il s’amuse aussi à briser la frontière entre sa propre fiction, et celle qu’il nous présente en plein tournage. Cette idée géniale s’illustre par sa caméra qui fusionne avec celle censée filmer la scène de Rick Dalton, sans que l’on s’en aperçoive, jusqu’à une reprise du dialogue entre les comédiens.
Si certains pourront trouver le rythme moins soutenu que la plupart de ses films, il est certain que le cinéaste ne perd pas son temps non plus. L’heure est davantage à la contemplation, à poser un regard nostalgique sur cet environnement presque féérique, et sur son glorieux passé. L’histoire se déroule sur 3 journées différentes où l’on suit les 3 protagonistes à travers leur quotidien : les fêtes, leur travail, leurs doutes, leurs angoisses, leur joie, et leurs errances.
Ce film est vraiment construit comme une chronique sur l’époque, une ballade à Los Angeles en 1969, aux côtés des personnages principaux. Une ballade dans laquelle il faut se laisser aller, se jeter à corps perdu, pour savourer le plus possible. Personnellement, les 2h45 sont passées si vite que je n’aurais pas été contre une ou deux heures de plus. En tous cas, j’ai très envie de me replonger dans cette ambiance.
Il va falloir prendre le temps de le digérer, et le revoir plusieurs fois pour l’appréhender au mieux, mais il semblerait que ce soit un film somme pour Tarantino, qui convoque ici tous ses fantasmes cinéphiles, mêlés avec tendresse et nostalgie à ses souvenirs d’enfance. Il livre une belle déclaration d’amour au cinéma, et à l’art de vivre, en montrant que la fiction a le pouvoir de guérir les horreurs du réel. Ce n’est pas un film aussi explosif que pouvaient l’être des Kill Bill, Django Unchained, ou Pulp Fiction, mais c’est certainement son métrage le plus émouvant.
Bande-annonce :