PHANTOM THREAD – CRITIQUE

Deuxième collaboration du réalisateur Paul Thomas Anderson et de l’acteur Daniel Day-Lewis, depuis le très acclamé There Will Be Blood en 2007. Cela faisait un moment que les deux cherchaient à retravailler ensemble, c’est maintenant chose faite avec Phantom Thread.

On sort des États-Unis cette fois, pour aller en Angleterre dans les années 50 raconter l’histoire de Reynolds Woodcock, un couturier. Avec l’aide de sa sœur Cyril, il habille la haute société depuis toujours, mais le contrôle minutieux qu’il exerce sur son travail et son quotidien se verra perturbé par la rencontre d’Alma, une jeune femme qui deviendra sa muse et son amante.

Atmosphère particulière pour ce film, puisqu’en Juin 2017, Daniel Day-Lewis a annoncé qu’il s’agissait de son dernier rôle. Il décide donc de mettre un terme à sa carrière, après seulement 20 films en 36 ans. Il est à ce jour l’acteur le plus oscarisé de tous les temps avec 3 Oscars à son actif.

Daniel Day-Lewis a pour habitude de se préparer rigoureusement pendant plusieurs mois, voire une année entière pour un rôle. Il effectue un lourd travail de recherche, et se met complètement dans la peau de son personnage des mois avant le tournage. Quelle préparation pour jouer un couturier ? Il a passé des mois à étudier le métier et a même cousu entièrement une robe Balenciaga. C’est dire à quel point il s’investit dans ses rôles.

Et le résultat à l’écran est flagrant. Il incarne un grand couturier habité par l’exigence maladive envers son travail. D.D.L. arrive parfaitement à transmettre les moindres émotions, les moindres maniaqueries du couturier. Contrairement à son rôle dans There Will Be Blood où il laissait éclater la colère et la folie du personnage, ici, tout est dans la retenue. En effet, il passe tout le long du film à tenter de se contenir, de canaliser ses émotions. Car c’est aussi un film sur la maîtrise de soi, et par conséquent, de son Art. Pour Reynolds, entretenir son génie est une lourde charge qui requiert un travail méticuleux sur soi-même, que des sentiments amoureux menacent de troubler.

Vicky Krieps, sa partenaire à l’écran est une très belle surprise. Elle incarne Alma avec tendresse, mais se sent également perdue, se demandant parfois si elle compte réellement pour Reynolds. Elle s’intègre dans sa vie avec panache, parfois avec un certain manque de délicatesse, ce qui ne manquera pas d’irriter le couturier, perturbé dans sa routine millimétrée. Cependant, elle ne se laissera pas marcher sur les pieds et n’hésitera pas à employer des méthodes extrêmes pour attirer l’attention de Reynolds. Une figure féminine forte, bien décidée à compter en tant que personne, plus qu’en tant que mannequin favori de Reynolds, qui viendra déséquilibrer, désaxer la rigueur obsessionnelle qui règne au sein de cette maison d’un blanc immaculé, presque clinique.

Lesley Manville, qui interprète Cyril, la sœur de Reynolds, livre une performance élégante, toute en sobriété. Elle est la réelle figure d’autorité de la maison Woodcock, s’immisçant de manière prépondérante dans la vie de son frère, jusqu’à empiéter par moments sur la vie amoureuse du couple.

L’histoire d’amour dans ce film n’est pas conventionnelle, c’est surtout l’histoire de deux personnes dépendantes l’une de l’autre, jusqu’à l’obsession et le rejet. Un amour vénéneux, narcissique, auquel Reynolds n’ose pas s’adonner complètement, de peur que ses émotions le consume, jusqu’à perdre la maîtrise de son Art.

Alma quant à elle, symbolise les sentiments inavoués de Reynolds. Comme elle le dit au tout début du film, elle lui donne « chaque parcelle d’elle-même », mais elle rencontre des difficultés à obtenir de l’affection en retour. Le rapport de force entre eux est constamment redistribué durant le film : Reynolds rejette Alma pour éviter de perturber son travail, mais ressent à la fois le besoin d’une figure maternelle, qui viendra remplacer le mirage de sa défunte mère.

Tous les aspects de la mise en scène de Paul Thomas Anderson respirent la minutie de la haute couture. En effet, que ce soit la sublime photographie (qu’il a élaboré lui-même), son sens du cadre, le montage, ou ses mouvements de caméra, tout est maîtrisé avec une précision chirurgicale. Chaque détail montré à l’écran est pensé et réalisé méticuleusement, sans aucune fioriture. Un vrai travail d’orfèvre.

Jonny Greenwood, ayant déjà composé à 3 reprises pour Paul Thomas Anderson, revient pour nous proposer une bande sonore se mariant parfaitement à l’ambiance du film, et qui rythme le récit dans de nombreuses séquences. La musique contribue beaucoup à la tension présente dans le film, notamment lors d’une des dernières séquences entre Alma et Reynolds.

Sous ses airs de film d’époque sur la haute couture, Phantom Thread est en réalité un drame romantique, dont la relation toxique entre le couturier et la jeune Alma , emmène parfois le récit vers un thriller psychologique Hitchcockien, rappelant par instants Sueurs Froides, tant les deux protagonistes tentent de modeler leur conjoint selon leurs exigences. La mise en scène est d’une précision éblouissante, à l’image du travail de grand couturier, et sert parfaitement la tension que suggère cette histoire d’amour vénéneuse.

La richesse d’écriture des personnages et de leur relation est vraiment fascinante. Servi par des dialogues parfois délicieusement cruels, les interprétations sont de haute volée et malgré le talent monstrueux de Daniel Day-Lewis, sa partenaire Vicky Krieps, parvient à s’imposer comme la véritable révélation du film.

Disponible sur Netflix FR.

Bande-annonce :

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