SHANG-CHI – CRITIQUE

Dernière sortie en date de Marvel Studios, adaptant ici les aventures de Shang-Chi, un personnage jusqu’ici inconnu au cinéma. Celui-ci devra renouer avec le passé de sa famille et faire face à la mystérieuse organisation des Dix Anneaux, dirigée par son père.

Passé les habituels travers de la franchise, comme des fonds verts toujours aussi laids, des traits d’humour intempestifs peu nécessaires, et un schéma narratif assez convenu pour introduire le héros, on a affaire à une de leurs productions les plus réjouissantes depuis quelques années.

Sa réussite repose sur deux points en particulier : son antagoniste, et les scènes d’action. Habituellement, les méchants des films Marvel sont pour la plupart assez convenus (volonté de détruire le monde), et complètement oubliables (peu restent marquants sur les 25 films). Tel que le disait Alfred Hitchcock, « plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film ».

Ici, l’antagoniste est Wenwu, le père de Shang-Chi, et leader de l’organisation des Dix Anneaux. Il est incarné par Tony Leung Chiu-Wai, un des meilleurs acteurs au monde, ayant notamment brillé dans des films du maître Wong Kar-wai, comme le chef-d’oeuvre In the Mood for Love (critique ici), pour lequel il a reçu le Prix d’Interprétation à Cannes. Autant dire que lui faire jouer un méchant lambda aurait été un immense gâchis de son talent.

Fort heureusement, ce n’est pas le cas ici : Tony Leung dispose d’un beau rôle, assez nuancé, qui fait de lui le personnage le plus intéressant du film, et un des meilleurs antagonistes du MCU. Il a très peu joué les méchants au cours de sa carrière, mais lorsque c’était le cas, il l’a fait à merveille, notamment dans Lust, Caution d’Ang Lee, ou The Longest Nite de Johnnie To. Ce rôle dans Shang-Chi a d’autant plus de sens, quand on sait que le personnage est hanté par le souvenir de sa femme décédée. L’amour est donc au centre de la caractérisation de Wenwu, ce qui renvoie évidemment à de nombreux rôles marquants de la filmographie de Tony Leung. La subtilité de son jeu, même avec des dialogues peu inspirés, est remarquable, notamment dans l’expression de son regard.

Il fait d’ailleurs partie de la plus belle scène du film, un combat dans une bambouseraie, filmé et chorégraphié comme une danse aérienne. Ce duel, aux accents mystiques et romantiques, rappelle, sans en égaler la virtuosité, Hero de Zhang Yimou, ou le Tigre et Dragon d’Ang Lee. Néanmoins, un soin a été accordé à cette belle séquence, laissant la caméra tourner, sans coupes inutiles, afin de sublimer la chorégraphie préparée par Brad Allan (décédé récemment), qui a beaucoup travaillé avec Jackie Chan.

Les scènes de combats qui suivront seront mise en scène de façon plus nerveuse, mais toujours avec un découpage d’assez bonne facture, notamment pour celle se déroulant à Macao sur des échafaudages. Penser le découpage des scènes d’action de pair avec les chorégraphies, pour laisser respirer les mouvements des acteurs, offrant ainsi une certaine fluidité, est une chose dont beaucoup de grosses productions américaines manquent aujourd’hui, même chez Marvel avec son récent Black Widow, qui affichait une totale incompétence dans la manière de filmer, et monter des scènes d’action.

On peut dire que le réalisateur, Destin Daniel Cretton, a bien étudié certains « wu xia pian » (films de sabre chinois) et autres films de kung-fu afin de préparer Shang-Chi. Ce qui est proposé n’est certes jamais virtuose ou véritablement original, au regard du cinéma Chinois et Hong-Kongais, mais tout cela reste de très bonne tenue. Au casting, Simu Liu pour son premier rôle au cinéma, incarne un héros attachant au passé trouble, et se donne à fond pour montrer les talents au combat de Shang-Chi. On note également l’apparition de Michelle Yeoh, qui vient une nouvelle fois prouver que son statut d’icône de films d’arts martiaux n’est pas usurpé, même à son âge.

Si le rythme du film accuse un peu le coup à mi-parcours, notamment à cause de certaines touches d’humour peu engageantes (la présence d’Awkwafina comme side-kick humoristique n’était pas nécessaire), le récit prend une tournure assez surpernante dans son troisième acte, affichant un bestiaire particulièrement beau et impressionnant, donnant l’impression de regarder un film Detective Dee plutôt qu’un Marvel par exemple. Dommage que le duel père-fils ait lieu dasn un décor aussi terne, car jusque-là, un effort était fait sur les couleurs malgré des fonds verts parfois peu reluisants.

Cependant, un point non négligeable, c’est d’avoir un certain nombre de dialogues en mandarin, laissant ainsi les personnages exploiter leur héritage culturel, contrairement à beaucoup de films américains préférant tout faire en anglais, peu importe que ce ne soit pas la langue native des personnages.

En somme, Shang-Chi est un blockbuster tout à fait honnête, assez rafraichissant au sein du MCU, qui s’enlisait dans des films de plus en plus formatés et sans âme. Ici, on sent des personnes impliquées, qui ont pensé correctement la mise en scène du film, rendant hommage au cinéma asiatique. Un film pas sans défauts, mais à l’artisanat réjouissant et salvateur au sein de la franchise. Mention spéciale à la musique de Joel P. West, mais aussi à Tony Leung, dont le talent et le rôle réhaussent le métrage.

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