STAR WARS – THE LAST JEDI : QUI EST LUKE SKYWALKER ?

Avec la sortie imminente de l’épisode IX, je souhaitais faire un point sur le huitième volet : The Last Jedi. Celui-ci a énormément divisé les fans de la saga, notamment sur le traitement du personnage de Luke Skywalker. C’est pourquoi je vous propose de revenir sur ce point en particulier, par le biais d’une analyse de son développement. On s’est tous fait une idée de qui était le personnage, et ce qu’il représente pour nous, mais au fond, qui est-il vraiment ? C’est ce que nous allons essayer de comprendre ici.

Revenons donc sur la psychologie du personnage, qui a bien évolué en 30 ans. En effet, on retrouve un Luke Skywalker qui semble assez différent de celui qu’on avait quitté après la bataille d’Endor. Cela peut être déroutant, car on s’attendait tous à revoir Luke tel qu’on le connaissait, avec des années d’expériences en plus, mais il est tout à fait compréhensible pour lui d’en arriver là. Vous verrez même qu’il n’est peut-être pas si différent d’avant…Pour commencer, il n’est pas surprenant qu’une personne de 60 ans ne soit plus la même qu’à 30 ans. Ce que l’on vit affecte notre état psychologique et notre vision du monde. Luke était un optimiste, recherchant toujours la bonne chose à faire, mais il n’est pas le héros parfait non plus.

Pour pouvoir analyser correctement son personnage, il nous faut revenir au sixième épisode : Le Retour du Jedi. Luke avait précédemment appris que Dark Vador était son père, ce qui lui causa une grande souffrance émotionnelle. La souffrance étant une composante essentielle du côté obscur, rappelons-le. Il continua alors son entraînement et apparaît au début du film comme un Jedi accompli lors du sauvetage d’Han Solo chez les Hutt. Le héros ultime. Cependant, quelques éléments indiquent que c’est un peu plus complexe que cela.

Premièrement, sa tenue vestimentaire ne ressemble pas aux toges Jedi habituelles, ne serait-ce que dans les couleurs. Au lieu de la tunique blanche renvoyant à la lumière, il porte ici un ensemble complètement noir. Dans un univers aussi porté sur le symbolisme comme Star Wars, ce détail est loin d’être anodin. D’ailleurs, on verra plus tard Anakin porter une tenue similaire dans la prélogie, et on sait tous comment il a fini…

Deuxièmement, en arrivant dans la demeure de Jabba, pour se débarrasser des gardes, il choisit non pas d’utiliser son sabre ou de les projeter dans le décor avec la Force, mais de les étrangler. Un geste porteur de sens ici, car on a jamais vu auparavant, ni plus tard dans la prélogie, un Jedi se servir de la Force pour étrangler un ennemi. La seule personne à le faire est bien entendu Dark Vador dans les épisodes précédents, et Anakin dans l’épisode III, après avoir basculé. On peut donc considérer que si Luke fait évidemment partie de l’Alliance Rebelle et se bat du côté lumineux, il navigue de manière floue entre les deux frontières de la Force. Comme un symbole de la dualité de son personnage aspirant à faire le bien, mais perturbé par le nuage noir voilé sur sa famille.

Enfin, portons notre attention sur le duel final. Comme vous pouvez le voir dans cet extrait, au début, Luke se met en colère et tente de tuer l’Empereur, ce que Vador empêchera d’un coup de sabre. Dark Sidious cherche ici à le provoquer en menaçant ses amis, pour le faire basculer du côté obscur. Si Luke arrive à reprendre ses esprits et à se calmer, il se fait clairement dominer par sa colère et essaye de tuer successivement ses deux adversaires.

Puis, plus tard, c’est Vador qui le provoque en menaçant de s’en prendre à Leia, sa sœur jumelle. Dès lors, Luke se laisse submerger par la rage et attaque son père de toutes ses forces avec des coups de sabre meurtriers. Il parviendra à s’arrêter à temps, mais a quand même failli tuer son père, qu’il clamait vouloir sauver, tout ça à cause de sa peur de perdre ses proches et de sa colère vengeresse. Encore une preuve que Luke est déjà très proche du côté obscur, pour un personnage considéré comme un héros modèle.

C’est pourquoi il n’est pas insensé qu’en voyant des années plus tard les ténèbres grandir exponentiellement en Ben Solo, il ait pensé pendant une fraction de seconde à éradiquer la menace avant qu’il ne soit trop tard. Qu’il soit question de la vie de son neveu ou pas. Logique quand on se souvient des conséquences désastreuses que la chute d’un jeune garçon a eu sur toute la galaxie autrefois. C’est un Luke en larmes, apeuré par l’immense noirceur qui se dégage de Ben Solo, qui le poussent à sortir son sabre. Jusqu’à ce qu’il soit envahi par la honte de son échec.

Considéré comme une légende vivante et toujours confiant en ses capacités à faire le bien, ce fut un choc pour Luke de voir son propre neveu sombrer et potentiellement ramener le chaos et la souffrance dans la galaxie. Des décennies à apprendre et utiliser les méthodes Jedi pour que tout s’effondre sous son nez sans rien pouvoir y faire ? Imaginez le poids de la remise en question du bonhomme. Luke Skywalker, le légendaire maître Jedi, aussi puissant qu’il soit, n’a rien pu faire contre cette nouvelle montée du côté obscur… Pensant que cette tragédie est entièrement de sa faute, il préfère partir s’isoler, plutôt que de rester et peut-être causer plus de mal que de bien.

En effet, il s’est rendu compte que c’est son orgueil (envers ses capacités) qui l’a mené à l’échec. Tout comme les Jedi autrefois, qui ont eu l’orgueil de penser que la menace venait d’ailleurs alors qu’elle grandissait sous leur nez. C’est une énorme remise en question, mais surtout un sacrifice immense, puisqu’il fait le choix de se séparer des gens qu’il aime.

D’ailleurs, la continuité avec Le Réveil de la Force prend tout son sens ici. Le départ de Luke ne pouvait signifier qu’une chose : un exil. Cela n’aurait pas eu de sens que Luke parte aux confins de la galaxie pour simplement s’entraîner, car il aurait ressenti le danger qu’encourait Leia, et serait immédiatement venu porter son aide à la Résistance. Comme dans L’Empire Contre-Attaque quand il a interrompu sa formation avec Yoda pour aller secourir ses amis, qu’il sentait en danger par le biais de la Force. Ici, il est tellement abattu par son échec qu’il a totalement perdu confiance en lui et pense que le monde se porte mieux en son absence. C’est pourquoi il s’est coupé de la Force et n’était pas au courant de ce qu’il se passait dans la galaxie.

On aurait tous aimé (tout comme la Résistance), qu’il revienne et fasse une grande démonstration de ses pouvoirs en détruisant le Premier Ordre. Cependant, cela aurait été un peu trop facile, s’il suffisait que Luke revienne pour tout arranger. Bien que clivant, ce choix d’éviter la facilité et d’offrir à un héros adulé une grande remise en question de ses actes est non seulement intéressant d’un point de vue dramaturgique, mais aussi une prise de risque conséquente à l’heure où règnent des blockbusters aux héros lisses et consensuels. Là, on ne peut pas faire plus humain. C’est dans le dépassement de ses faiblesses, qu’un personnage parvient à réellement exister et permet à l’histoire de raconter quelque chose à travers lui.

La remise en question de Luke à propos des vieilles méthodes Jedi, peut aussi être vue comme une remise en question de la saga en général. Faut-il continuer à reproduire le même schéma narratif ou plutôt réfléchir et se réinventer ? The Last Jedi n’était peut-être pas le film Star Wars que les fans voulaient, mais c’est celui dont la saga avait besoin.

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