La fin de l’année approche à grands pas et il est bientôt l’heure de dresser le bilan. Pour commencer, je vous propose de parler exclusivement des films Français qui ont fait mon année cinéma 2019. Parce qu’encore une fois, on a eu de très belles propositions qui méritent d’être vues. Avant de vous soumettre les dix films Français que j’ai préféré cette année, voici quelques mentions honorables, des films qui n’étaient pas loin de figurer dans le Top et que je vous recommande.
MENTIONS HONORABLES
– LA BELLE ÉPOQUE, de Nicolas Bedos
– ROUBAIX, UNE LUMIÈRE, d’Arnaud Desplechin
– J’AI PERDU MON CORPS, de Jérémy Clapin
– MON INCONNUE, d’Hugo Gélin
– EDMOND, d’Alexis Michalik
– AU NOM DE LA TERRE, d’Edouard Bergeon
10. CHAMBRE 212
Réalisé par Christophe Honoré

Après s’être disputé avec son mari Richard, ce dernier ayant découvert ses infidélités, Maria décide de passer la nuit dans l’Hôtel en face de chez eux, pour faire le point sur sa vie de couple. Christophe Honoré nous propose un dispositif assez théâtral, le décor de cette chambre 212 devenant l’espace thérapeutique et introspectif de Maria, incarnée brillamment par Chiara Mastroianni, qui n’a pas volé son prix d’interprétation de la section Un Certain Regard à Cannes. On retrouve également à ses côtés les géniaux Vincent Lacoste, Benjamin Biolay et Camille Cottin. En résulte une délicieuse comédie dramatique assez originale, aux dialogues savoureux et la mise en scène très ludique. Honoré se fait plaisir et convoque par instants le cinéma de Bertrand Blier, ou encore Woody Allen, pour un cocktail de situations absurdes et mélancoliques.
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9. LE CHANT DU LOUP
Réalisé par Antonin Baudry

Avec plus de 20 millions d’euros de budget, Le Chant du Loup s’impose comme le blockbuster Français de cette année 2019. Si le film souffre de quelques faiblesses d’écriture avec des facilités et une romance assez fonctionnelle donc plate, le reste est vraiment réussi. On nous embarque dans ce sous-marin avec un vrai travail d’ambiance sonore (peaufiné dans les studios de Lucasfilm), et visuelle avec une mise en scène immersive, au plus proche des comédiens et de la tension. François Civil confirme son talent (et sa belle année 2019 avec Mon Inconnue et Deux Moi), mais il est épaulé par un casting de choix avec notamment Reda Kateb, toujours aussi bon, ainsi que Mathieu Kassovitz et Omar Sy, eux-aussi très justes. Il est rare de voir des films de sous-marin, mais celui-là vaut vraiment le détour en proposant un spectacle assez prenant. Puis bon, c’est Français donc aucune raison de s’en priver.
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8. LE DAIM
Réalisé par Quentin Dupieux

Georges, 44 ans, et son blouson, 100% daim, ont un projet. Un an après Au Poste ! Quentin Dupieux (quand il n’est pas sur le platines en tant que Mr Oizo) revient nous proposer une nouvelle comédie absurde, avec cette fois Jean Dujardin, et Adèle Haenel. Toujours avec des dialogues aussi aiguisés, on suit donc Georges et son obsession maladive pour son nouveau blouson en daim, qui entraînera des conséquences, disons… sanglantes. A travers un projet de cinéma fauché et indépendant rendant la mise en abîme avec Quentin Dupieux, lui-même un peu cinéaste bricoleur, on est entraînés dans une intrigue étonnante à l’humour décapant.
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7. ALICE ET LE MAIRE
Réalisé par Nicolas Pariser

30 de politique ont passées et le Maire de Lyon, n’arrivant plus à renouveler ses idées, décide de faire appel à une jeune philosophe (qui n’en est pas une) pour l’aider à le stimuler intellectuellement. Fabrice Luchini revient à un rôle plus en retenue, mais nous régale de son talent d’orateur dans des dialogues poussant la réflexion sur la capacité du corps politique à pouvoir encore réfléchir. Cette réflexion est symbolisée par Alice (Anaïs Demoustier), qui est lâchée dans les bureaux de la Mairie de Lyon au milieu de tout ce monde qui s’agite, presque machinalement, sans recul. En cela, son rôle est de faire reprendre la place aux idées au sein de cette machine enrayée et dans la tête de ce maire désabusé. Assez subtil et des dialogues très intéressants.
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6. J’ACCUSE
Réalisé par Roman Polanski

Roman Polanski revient avec son adaptation de la célèbre affaire Dreyfus, pour ce qui semble être son meilleur film depuis l’excellent The Ghost Writer en 2010. Ici, Jean Dujardin incarne le lieutenant colonel Marie-Georges Picquart, qui va fermement s’opposer aux institutions pour prouver l’innocence de Dreyfus (Louis Garrel). Ici, le cinéaste décide de s’intéresser à l’enquête (passionnante et révoltante), plutôt que de se placer du point de vue de l’accusé, ce qui permet d’éviter certains écueils attendus et de se concentrer sur l’intrigue aux côtés du chef des Renseignements. De superbes interprétations, une mise en scène ingénieuse et une musique entraînante (signée Alexandre Desplat), se conjugue pour proposer un thriller politique de haute volée avec des morceaux de bravoure saisissants.
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5. CHANSON DOUCE
Réalisé par Lucie Borleteau

Adapté du roman de Leila Slimani, Prix Goncourt 2016, et inspiré d’un terrible fait divers, Chanson Douce raconte l’histoire du rapport conflictuel entre une famille et une nounou, dont la santé mentale va se désagréger. Karin Viard, dans le rôle de Louise, la nourrice, est exceptionnelle, et on retrouve également Leila Bekhti et Antoine Reinartz dans le rôle des parents, tous deux très justes. Si les interprétations sont à saluer, il y a également un travail de mise en scène remarquable. En effet, un certain nombre d’idées visuelles sont très intéressantes, comme le symbole de la pieuvre, représentant l’emprise tentaculaire de la nounou sur les enfants de cette famille. L’ambiance est également très réussie, on est plongés dans le quotidien du travail de Louise, et la force de la mise en scène est de rendre ambigu, voire inquiétant le moindre geste anodin envers les enfants. Le film marche constamment sur cette fine ligne où la perception du spectateur se retrouve troublée, d’un côté parce que ce qu’il se passe pourrait sembler tout à fait ordinaire et inoffensif, mais un sentiment de malaise s’installe, jusqu’à ce que cet engrenage devienne irrémédiablement dangereux.
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4. PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU
Réalisé par Céline Sciamma

Cette année, Céline Sciamma nous a apporté ce qui est l’un des morceaux de cinéma les plus marquants, avec ce touchant portrait de femmes. La mise en scène est sublime, s’inscrivant dans une proximité avec la peinture, un des motifs phares du film. Noémie Merlant et Adèle Haenel sont exceptionnelles et auraient bien mérité un prix d’interprétation sur la Croisette. Le film est au moins reparti avec le Prix du Scénario, c’est déjà ça. Si le métrage pourrait rebuter certains à cause de son atmosphère et de ses dialogues un peu austères, il est indéniable que c’est l’une des plus belles propositions de cinéma de l’année.
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3. LES MISÉRABLES
Réalisé par Ladj Ly

Son ouverture sur les Champs-Élysées après la victoire de l’équipe de France permet un contraste avec le déroulement du film et notamment sur son climax de fin, rendant une atmosphère étouffante, sous la foule et les fumigènes. Débuter sur un moment d’unité nationale pour progressivement s’ancrer dans la division. Les Misérables de Ladj Ly est un film coup de poing sur la vie en banlieue, faisant écho à La Haine de Mathieu Kassovitz. Sauf qu’ici, les personnages principaux sont des policiers de la BAC, assignés à Montfermeil. On va suivre tout au long du film ce trio de flics, dont un nouveau et deux habitués du quartier. Cependant, le film propose une pluralité de points de vue, Ladj Ly mettant un point d’orgue au dialogue et aux interventions de différents protagonistes de cette banlieue, qui viendront enrichir le propos du film, évitant le manichéisme. La mise en scène, aux allures de western urbain, est très efficace, et permet une montée en tension implacable jusqu’à un troisième acte suffocant. S’il est peu probable qu’il gagne une quelconque récompense du fait de la concurrence écrasante du film de Bong Joon-Ho, Les Misérables a été présélectionné par l’Académie des Oscars, en attendant une probable nomination à l’Oscar du Meilleur Film étranger.
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2. GRÂCE A DIEU
Réalisé par François Ozon

Adapté d’une affaire malheureusement réelle, François Ozon s’empare d’un sujet brûlant : la pédophilie dans l’Église. Il raconte par le biais de trois personnages (Melvil Poupaud, Denis Ménochet, et Swann Arlaud tous formidables), l’histoire de la mise en accusation du Père Preynat à Lyon. La mise en scène (Grand Prix du Jury à la Berlinale), très subtile, met en avant le chemin de la libération de la parole, tantôt éclatante, tantôt étouffée. Le récit est divisé en trois parties pour chacun des personnages principaux, mais ces chapitres se croisent et vont jusqu’à se rejoindre complètement, symbolique de l’effort collectif pour obtenir justice. Ce qui est intéressant dans cette façon de raconter cette histoire c’est que l’on se penche sur plusieurs manières de gérer un traumatisme infantile, comment agir pour aller mieux, et comment la prise de parole vient germer chez chacun des protagonistes et victimes, tous issus d’un milieu social différent. Un film essentiel en ce moment (l’affaire est encore en cours), et véritablement émouvant.
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1. L’HEURE DE LA SORTIE
Réalisé par Sébastien Marnier

L’Heure de la Sortie raconte l’histoire de Pierre, un professeur engagé comme remplaçant après l’accident du titulaire, dans une classe d’élèves surdoués. Peu à peu, l’étrange attitude de certains élèves commencera à le perturber… Ce film est une des propositions les plus fascinantes de l’année. La mise en scène de Sébastien Marnier rappelle par instants celle de John Carpenter, avec un travail d’ambiance saisissant, entre tension et atmosphère presque surnaturelle. La Bande Originale de Zombie Zombie y est aussi pour beaucoup, avec ses synthés donnant un côté étrange aux partitions. Laurent Lafitte excelle dans son rôle de professeur paranoïaque, et les ados sont tous assez inquiétants à leur manière. Un portrait des troubles d’une jeune génération qui ne croit plus en l’avenir, terrifiés par la situation écologique. De nombreux moments marquants dans ce film, mais c’est bien la brillante séquence finale, qui assène le coup fatal et laisse sans voix. Entre Take Shelter et Le Village des Damnés, Sébastien Marnier nous livre ici un des plus grands chocs cinématographiques de l’année 2019.
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