ZACK SNYDER’S JUSTICE LEAGUE – CRITIQUE

Après plus de 3 ans d’attente, Zack Snyder nous dévoile enfin sa version de Justice League, dans ses placards depuis 2017 et son départ du tournage suite au décès tragique de sa fille. Sur les 2 heures de l’affreuse version sortie au cinéma par Warner et Joss Whedon, seulement 30 minutes avaient été tournées par Snyder. Un horrible sabotage, que les fans n’ont cessé de conspuer, en réclamant la véritable version, baptisée « Snyder Cut ». Grâce à la mobilisation massive des fans, le réalisateur a pu trouver un accord avec Warner pour sortir son film, directement sur HBO MAX, portant sa vision de Justice League, durant près de 4 heures, avec environ 3h30 d’images inédites, et évidemment sans aucun plan tourné par quelqu’un d’autre que lui.

Rien de plus beau qu’un auteur retrouvant entière possession de son œuvre. Le film, resté à l’état brut chez lui, a pu bénéficier d’une extension de budget de 70 millions pour terminer tous les effets spéciaux (sur 4h, ça en fait), et pour tourner environ 10 minutes additionnelles (2 semaines de tournage), présentes dans l’épilogue.

Évidemment, même si le résultat avait été raté, ça aurait toujours été mieux que l’abomination sortie en 2017, pour la simple et bonne raison qu’on a enfin droit à la vision d’un auteur, et non pas le produit d’un comité d’administration. Cependant, le film de Zack Snyder est une franche réussite, sur énormément de points. Par sa durée de 4 heures (qui passent si vite), c’est une véritable fresque épique, pas si loin du Seigneur des Anneaux en termes d’ambition et d’ampleur.

À ce titre, le récit mythologique du premier assaut de Darkseid sur Terre il y a des millénaires, lors duquel il s’est heurté à une résistance impressionnante des peuples Terriens (Hommes, Amazones, Atlantes, Divinités et Lanterns), fait énormément penser au prologue de La Communauté de l’Anneau, avec toutes les armées combattant Sauron. Un affrontement épique, brutal, d’une grande ambition visuelle, plaçant efficacement les enjeux pour le présent, et approfondissant les fondements de cet univers.

La narration fait la part belle aux personnages, notamment à Flash et Cyborg, qui ressortent les grands gagnants de cette nouvelle version. Le premier, ressort comique (globalement très drôle, à part 2-3 vannes dont on se serait passés), mais qui n’empiète aucunement sur la dramaturgie globale, se voit confier un rôle très important au sein de l’équipe, du fait de ses pouvoirs extraordinaires, très bien illustrés à l’écran. Le second, est littéralement le cœur du film. Son impact au sein de l’équipe est extrêmement important, véritable Dieu digital, super ordinateur capable de contrôler et surveiller le monde (que fait-on d’un tel pouvoir ? Doit-il tout surveiller ou détourner le regard ?), mais il est aussi le point émotionnel majeur du film.

Aquaman, sous ses airs de gros dur alcoolique, gagne en empathie peu à peu, et commence à créer des liens avec ses camarades, lui qui se fichait de tout, même de son propre peuple. Trajectoire similaire à celle qu’a emprunté Wonder Woman, qui se reconnecte avec le monde, se mêlant de plus en plus aux affaires humaines. Une bonté qui ne l’empêche pas de se battre férocement contre Steppenwolf et ses paradémons, avec une énergie et une force démentielle, digne de la grande guerrière Amazone qu’elle est.

Le cheminement psychologique de Batman prend son sens ici, lui qui au début de BvS avait perdu tout espoir, et percevait Superman comme une menace, le sacrifice de ce dernier lui a fait comprendre à quel point le monde avait besoin de ce symbole d’espoir, et surtout, que l’union fait la force. Pour honorer sa mémoire, il initie la formation de l’équipe, et s’impose comme le véritable chef et catalyseur du groupe.

Snyder prend toujours le parti de filmer ses héros tels des figures mythologiques, des dieux parmi les hommes, mais en proie à desdoutes, des questionnements sur leur rôle à jouer dans le monde. Sa mise en scène prend totalement sens avec le choix de ce format carré (1:33:1), qui donne à la fois de la profondeur à l’image mais aussi un sentiment de gigantisme, permettant d’iconiser au maximum les personnages, et d’être au plus près des émotions lors de gros plans. C’est aussi un choix qui permet au réalisateur de donner un effet « case de comic-book », qui prendrait vie à l’écran.

Le film ne comporte aucun véritable temps mort, rendant ces quatre heures vraiment prenantes, oscillant entres des batailles titanesques, un développement mythologique de l’univers passionnant, et des moments plus intimistes, où les personnages brillent de leur humanité. Cette richesse est clairement la force du métrage, mais elle n’est jamais écrasante, au contraire, au terme de cette grande odyssée héroïque, on en redemanderait bien plus encore.

Lier l’extraordinaire à l’ordinaire, le divin à l’humain, c’est quelque chose que Zack Snyder a exploré plusieurs fois dans sa filmographie, comme dans Watchmen, ou bien sûr, dans Man of Steel et Batman v Superman, précédant ce Justice League. C’est tout à fait ce qu’il continue de faire ici, notamment avec Flash et Cyborg, deux êtres aux capacités hors normes, mais troublés par une relation conflictuelle avec leur père.

Leur parcours est touchant (en particulier celui de Cyborg), et leurs aptitudes sont représentées à l’écran de façon absolument vertigineuse et épique. Ezra Miller s’en sort plutôt bien en tant que trublion de l’équipe, mais Ray Fisher, dans son premier vrai rôle au cinéma, livre une superbe performance, très émouvante, avec des regards en disent long sur la relation qu’il entretient avec son père.

Le dernier acte est bien sûr rempli d’effets numériques, que Snyder pousse toujours plus loin, et hormis quelques finitions peu esthétiques c’est globalement réussi. Le film remplit amplement son contrat de grand spectacle, avec ce climax hyper généreux atteignant un point d’orgue époustouflant à travers les capacités de certains personnages. On sent également cette fois le travail d’équipe, qui agissent tous de concert avec une alchimie évidente.

Concernant les antagonistes, cette fois, Steppenwolf n’est plus tout à fait la seule menace, il oeuvre pour Darkseid (équivalent de Thanos chez Marvel), avec pour but la conquête de milliers de mondes, pour les asservir et supprimer le libre-arbitre dans l’univers. Ce qui est intéressant ici, c’est que Steppenwolf tente de se racheter auprès de son maître en tentant de lui offrir la Terre, seul monde qui lui avait résisté. Il semble totalement épris d’admiration et de crainte (devenant presque touchant) pour Darkseid, le seigneur d’Apokolips à la stature terrifiante.

Ce rapport de force est d’autant plus impressionnant car Steppenwolf lui-même est déjà sacrément intimidant et brutal. C’est pour cela que la perspective qu’il ne soit finalement qu’un émissaire est terrifiante. Comme s’il préparait l’arrivée du Diable sur Terre.

La venue de Darkseid est une menace qui plane sur le métrage, comme un aperçu du destin funeste de la planète et ses héros si il s’en emparait, mais va même jusqu’à questionner les conséquences de la résurrection de Superman. Des visions d’un futur qui semble se recouper avec le rêve de Bruce Wayne dans Batman v Superman. Parmi les quelques minutes supplémentaires que Zack Snyder a tourné à l’automne, une séquence se distingue dans l’épilogue du film, se déroulant dans cette réalité post-apocalyptique que Batman avait cauchemardé.

Une scène intrigante et excitante, révélant à nouveau Batman menant une résistance contre un Superman despote et meurtrier, à l’aide d’une équipe pour le moins atypique. Il avait été annoncé que le Joker, déjà interprété par Jared Leto dans Suicide Squad, ferait son apparition. Sa présence est tout sauf superflue, permettant des dialogues passionnants, et une tension palpable qui ne manquera pas de ravir les fans du personnage. À noter que cette séquence, presque intégralement tournée caméra à l’épaule, épouse un style particulier, jouant habilement des flous, comme si cette réalité était encore trouble…

Cette « Snyder Cut » de Justice League est en tous cas un nouveau film à part entière, même si quelques points de la trame globale étaient repris dans l’immondice de 2017. Une grande fresque héroïque, proposant un spectacle épique, d’une très ambition folle. La mise en scène lors des scènes d’action est toujours très fluide comme d’habitude chez Snyder, laissant respirer ses plans avec peu de coupes, des ralentis, et des plans très élégants iconisants les personnages.

La narration semble totalement fonctionner pour cette durée de 4 heures, se permettant de développer son récit et ses personnages en prenant le temps qu’il faut, même si quelques choix scénaristiques peuvent sembler un peu mécaniques, comme le comportement de Superman juste après son retour à la vie. La division en 6 chapitres + un épilogue permet aussi de bien structurer l’histoire, comme si l’on était devant un grand roman graphique.

La partition de Junkie XL alterne entre des morceaux épiques, d’autres plus intimistes, et des reprises de thèmes de Man of Steel et Batman v Superman, utilisés ici à très bon escient. Ces deux films forment avec Justice League une trilogie cohérente, donc assurez-vous d’avoir vu les deux précédents volets et de les avoir bien en tête.

Nul doute que ce film a une résonnance très personnelle pour le cinéaste, en abordant à travers ses personnages, le lien paternel, le deuil, et la résurrection. Le métrage est d’ailleurs dédié à sa fille décédée, avec à la fin une mention « For Autumn » suivi d’une reprise de Hallelujah, qui était sa chanson préférée. C’est en tous cas une grande joie de voir enfin ce projet voir le jour, une libération pour son auteur, après tout ce qu’il a dû endurer dans sa vie personnelle, et dans ses batailles avec le studio à l’époque.

Cette « Snyder Cut » de Justice League est une véritable odyssée super-héroïque faite avec talent et une grande passion pour son univers et ses personnages, devant laquelle il est difficile de bouder son plaisir. Reste plus qu’à espérer un grand succès et une forte demande des fans pour que Warner laisse Zack Snyder poursuivre sa vision à travers une ou deux suites, permettant de porter à l’écran ce qui semble être une adaptation d’Injustice, comme le laisse fortement penser ce « Knightmare » dans l’épilogue et amorcé dans Batman v Superman.

Disponible à l’achat en VOD et prochainement en Blu-ray.

Bande-annonce :


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